Qu'entendez-vous par respiration consciente ?
Léonar Orr :
Pour la décrire, je préfère préciser d'emblée… ce qu'elle n'est pas : elle n'a rien à voir avec une technique d'hyperventilation, cette respiration rapide et forcée que l'on pratique en respiration holotropique ou en bioénergie par exemple. Ce n'est pas non plus un processus cathartique pour libérer les émotions – même si certaines personnes obtiennent parfois ce résultat. La respiration consciente est une pratique douce et profonde de la conscience du souffle.
En résumé, c'est une respiration calme et lente, sur laquelle vous focalisez toute votre attention et toute votre conscience. Au cours d'une séance, le praticien vous accompagne en tant que présence rassurante pour vous aider d'abord à bien respirer ; ensuite à explorer vos sensations intérieures, à les exprimer, à mettre en mots les images qui vous viennent à l'esprit.
Comment le fait de respirer « autrement » permet-il de résoudre des problèmes ?
Léonard Orr :
Regardez ce qui se passe lorsqu'il vous arrive quelque chose de désagréable, comme apprendre une mauvaise nouvelle : vous bloquez votre souffle. Parfois, on a même le « souffle coupé ». Chaque fois que vous avez rencontré un problème, une simple contrariété, un accident ou même le décès d'un proche, vous avez inconsciemment bloqué votre respiration. Or, ces blocages et ces douleurs restent inscrits dans une espèce de « mémoire du corps ». C'est ainsi que, petit à petit, vous avez construit votre propre façon de respirer, avec ses blocages et ses limites. Regardez autour de vous : combien de personnes savent vraiment respirer ? Sans compter tous les gens qui se plaignent d'« étouffer »… Si c'est votre cas, essayez d'observer la façon dont vous respirez, et vous comprendrez pourquoi vous avez l'impression d'étouffer. Vous verrez que ce n'est pas une impression, mais une réalité : vous ne respirez pas !
Respirer consciemment peut donc dénouer certains blocages ?
Léonard Orr :
En effet. Lorsque vous pratiquez une respiration ample, la conscience du corps et l'apport en oxygène font remonter les mémoires du corps et les dénouent. Ce processus nous permet également d'intégrer nos expériences négatives avec une très grande souplesse, même lorsqu'elles ont été très douloureuses.
Pourquoi le rebirthing a-t-il l'image d'une thérapie lourde, difficile physiquement et émotionnellement ?
Léonard Orr :
Parce que beaucoup trop de gens en parlent sans l'avoir expérimentée ! Dans leur esprit règne une grande confusion. Ils mélangent tout : les psychothérapies cathartiques, le cri primal, le psychodrame, la programmation neurolinguistique, l'expression corporelle, la gym acrobatique, et que sais-je encore !
J'ai l'enregistrement d'une émission de télévision française sur les psychothérapies dans laquelle il y avait un petit reportage de deux minutes sur le rebirthing qui montrait sommairement une séance normale. En plateau, un « expert » certifiait que ce n'était pas du rebirthing parce que c'était trop doux, et que « la véritable pratique est violente ». J'ai été atterré par cette débauche d'incompétence. Que cette personne le veuille ou non, le rebirthing est une méthode douce.
Et j'en sais quelque chose : c'est moi qui l'ai inventée !
Lorsque vous parlez d'énergie, vous vous référez à la définition chinoise du qi dont on parle dans le qi gong ou le tai-chi ?
Léonard Orr :
Oui, c'est une bonne image. Ce qui frappe dans le qi gong, c'est cette extraordinaire fluidité des mouvements qui permet de faire circuler l'énergie en soi et autour de soi. Mais dans les arts martiaux, on utilise le souffle pour faire circuler l'énergie ; alors que dans la respiration consciente, on ne l'« utilise » pas, on « est » le souffle.
Dès que l'on a assimilé la technique, on se laisse aller, et le souffle devient le rythme de respiration le plus naturel qui soit. Je vous donne une image : vous partez faire une balade à vélo. Vous êtes sur une route de campagne et, sans forcer, vous pédalez, pédalez… A un moment, vous ne vous en apercevez peut-être pas, mais vous ne faites plus d'efforts : le vélo pédale tout seul ! Vos jambes continuent de tourner, mais vous vous laissez porter par le mouvement naturel du vélo. Voilà ce qu'est la respiration consciente.
Peut-on pratiquer le rebirthing si l'on suit déjà un travail de développement personnel avec une autre méthode ?
Léonard Orr :
Tout à fait ! Chacun a le droit de tester différents outils pour choisir celui ou ceux qui lui conviennent le mieux, cela ne m'a jamais intéressé d'enfermer les gens dans un système unique. De nombreux thérapeutes ont d'ailleurs compris qu'il n'y avait pas de contre-indication à associer différentes méthodes. Et j'aime ce genre de démarche, car je pense que plus on fait d'expériences, plus on s'enrichit.
Propos recueillis par Erik Pigani.